L’entreprise inclusive dans l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est : rapport du consultant AT de la BAD

Agenda de l’ANASE sur l’entreprise inclusive : appuyer la croissance des MPME en bâtissant des chaînes de valeur de l’entreprise inclusive
French
East Asia and Pacific
2. May 2018

Asia-Pacific: Inclusive business in the association of Southeast Asian Nations

• 91 pages • Asian Development Bank (ADB)

In 2017, the Government of the Philippines chaired ASEAN, and made inclusive business (IB) one of its deliverables toward the ASEAN vision of a region that is “outward-looking, living in peace, stability, and prosperity, bonded in partnership in dynamic development, and in a community of caring societies.” This study, addressed to policymakers of ASEAN and the ASEAN Business Advisory Council, describes the markets for IB in ASEAN economies, and recommends further actions by ASEAN, the ASEAN Business Advisory Council, and ASEAN members to promote IB.

Recommandations

L’entreprise inclusive fait maintenant partie du Plan d’action stratégique 2016-2025 de l’ANASE pour le développement des petites et moyennes entreprises (PME). L’engagement des MPME en faveur de l’entreprise inclusive et l’instauration de liens entre les MPME afin de mettre en place des chaînes de valeur de l’entreprise inclusive devraient accélérer la réalisation des cinq objectifs stratégiques du Plan :

1. Promouvoir la productivité, la technologie et l’innovation.

La productivité, la technologie et l’innovation sont au cœur de la réussite des modèles d’entreprise inclusive, et les MPME, qui ont les pieds sur terre, sont mieux à même de suivre les tendances locales, de créer de l’emploi local et de stimuler l’activité économique locale. Le gouvernement, les investisseurs et les acteurs non gouvernementaux (incubateurs, universités, ONG) doivent envisager de financer les initiatives de productivité, de développement technologique et d’innovation des MPME et des entreprises inclusives.

2. Améliorer l’accès aux financements.

L’investissement à impact et le financement mixte sont des stratégies de financement du secteur privé qui sont en train d’émerger dans la région. Le financement à impact offre de nouvelles opportunités plus flexibles pour permettre aux entreprises inclusives et à leurs partenaires MPME d’obtenir des financements en dehors des sources traditionnelles (banques commerciales). Le financement mixte limite également les risques d’investissement dans les entreprises inclusives et introduit davantage d’investissements privés dans les chaînes de valeur et dans les modèles d’entreprises inclusives.

3. Améliorer l’accès aux marchés et l’internationalisation.

L’entreprise inclusive donne la priorité à la mise en place de partenariats et à la création de valeur partagée dans les chaînes de valeur des entreprises (facilitée en cela par le commerce électronique). Pour les MPME, l’entreprise inclusive peut devenir un portail vers les consommateurs et les marchés nationaux et internationaux et leur permettre de produire des produits/services à valeur ajoutée, sachant que les entreprises inclusives utilisent des systèmes de durabilité et de certification internationaux.

4. Améliorer l’environnement politique et réglementaire.

L’élaboration d’environnements politiques et réglementaires favorables à l’entreprise inclusive est une initiative mondiale majeure en faveur de la création d’économies plus inclusives. La participation accrue des États membres de l’ANASE au débat politique mondial sur l’entreprise inclusive, via la Plateforme mondiale du G20 pour l’entreprise inclusive, ouvrira la voie au partage de connaissances, au renforcement des capacités et à une coopération locale/internationale sur l’entreprise inclusive.

5. Promouvoir l’entreprenariat et le développement du capital humain.

L’entreprise inclusive explore de nouveaux modes d’entreprenariat et de développement du capital humain. Les entreprises sociales, même si elles sont plus petites que les entreprises inclusives en termes d’envergure et de portée, offrent des possibilités uniques de renforcement des capacités et d’entreprenariat communautaire qui peuvent constituer une première étape vers une éventuelle transformation en entreprise inclusive.

Pour favoriser l’intégration de l’entreprise inclusive dans les États membres, le rapport recommande également à l’ANASE de :

  • continuer à promouvoir l’entreprise inclusive dans le cadre de son programme de croissance inclusive ;
  • continuer à développer et à opérationaliser le cadre de l’ANASE sur l’entreprise inclusive afin d’offrir des directives adéquates pour la promotion, le développement et la mise en œuvre de l’entreprise inclusive dans les États membres ;
  • accroître et améliorer la coordination et la collaboration intra-gouvernementales et intergouvernementales avec des partenaires de développement pour appuyer les entreprises inclusives au sein de l’ANASE ;
  • encourager les associations professionnelles à jouer un rôle plus actif dans la promotion de l’entreprise inclusive ;
  • continuer à enrichir le cadre mondial sur l’entreprise inclusive et à participer aux discussions sur l’entreprise inclusive organisées avec d’autres organismes de coopération régionaux comme le G20 et la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC).

La durabilité d’une entreprise est traditionnellement mesurée en évaluant sa croissance et ses performances financières, opérationnelles et commerciales. Ces indicateurs de durabilité ont peu à peu été élargis et redéfinis pour tenir compte des impacts de l’entreprise sur des capitaux autres que le capital économique (capital naturel et capital social). Récemment, les stratégies de durabilité des entreprises ont encore évolué pour rendre l’entreprise plus inclusive, ce qui l’oblige à s’aventurer sur des marchés inexploités/sous-développés et dans des environnements à haut risque, à déployer des solutions plus déstabilisantes pour répondre à des besoins sociaux plus importants, et à intégrer les petits entrepreneurs de la base de la pyramide (BoP) dans les chaînes de valeur essentielles en tant que producteurs, fournisseurs, distributeurs, détaillants et/ou clients. L’entreprise inclusive s’appuie sur ces nouvelles stratégies.

Les modèles d’entreprise inclusive attirent de plus en plus l’attention des secteurs public et privé, et les gouvernements s’efforcent d’adopter l’entreprise inclusive en tant que stratégie et politique de développement locale et/ou nationale. En Asie du Sud-Est, l’entreprise inclusive a fait une percée lors du Sommet 2017 des dirigeants de l’ANASE, au cours duquel les ministres de l’Économie de l’ANASE ont adopté un « Cadre de l’ANASE sur l’entreprise inclusive ». Cela a conduit à l’intégration de l’entreprise inclusive en tant que stratégie de développement socio-économique dans les 10 États membres de l’ANASE, particulièrement pour le développement de micro, petites et moyennes entreprises (MPME). Le rapport estime que les MPME composent plus de 95 % de toutes les entreprises et génèrent jusqu’à 58 % des produits intérieurs bruts locaux de la région. L’instauration de liens entre les MPME et les entreprises inclusives plus importantes (et les chaînes de valeur associées) est considérée comme une stratégie gagnant-gagnant : amélioration de l’accès aux marchés, ouverture de nouvelles opportunités de commerce et d’investissement et renforcement de la portée et de l’impact social des PME et des entreprises inclusives.

Ce rapport présente également un état des lieux de l’entreprise inclusive au niveau de l’ANASE :

  • L’ANASE possède une large population et un vaste marché BoP. Environ 349 millions de personnes, soit 56 % de la population totale de la région, vivent au niveau du seuil de pauvreté, soit un marché d’au moins 220 milliards d’USD. L’Indonésie possède le plus grand marché BoP, qui est valorisé à environ 120 milliards d’USD. Il s’agit d’une opportunité de marché substantielle pour les entreprises inclusives potentielles.
  • Dans la région de l’ANASE, les dépenses BoP sont centrées sur l’alimentation. Le rapport montre que l’alimentation et les boissons représentent 58 % de la consommation BoP, suivies par le logement (8 %), l’énergie (6 %) et les transports (5 %). L’éducation et la santé font également partie des besoins cruciaux, mais restent largement inaccessibles en raison du manque ou de la mauvaise qualité des infrastructures publiques et de l’absence de solutions abordables dans le secteur privé.
  • L’entreprise inclusive est déjà mise en pratique mais en est encore aux premiers stades de développement. À l’heure actuelle, le rapport note que les modèles d’entreprise inclusive dans l’agroindustrie offrent les niveaux les plus élevés d’impact et d’envergure, comme le montrent les nouveaux modèles d’affaires déployés par Covestro, Mars Incorporated, Nestlé, Syngenta et Unilever, tandis que les modèles d’entreprise inclusive dans l’éducation, le logement et la santé sont les moins développés. Le rapport observe un manque général de sensibilisation et de connaissance de l’entreprise inclusive dans le secteur privé, sachant que les entreprises qui se sont déjà engagées sur cette voie ne s’identifient pas comme telles.
  • L’investissement à impact dans l’entreprise inclusive augmente mais reste actuellement axé sur les grosses transactions, la mise à disposition de capital d’amorçage et l’incubation. L’investissement à impact dans l’entreprise inclusive devrait atteindre 6,3 milliards d’USD d’ici à 2025, sachant que des opportunités potentiellement importantes sont attendues en Indonésie, aux Philippines et en Thaïlande. Le rapport note que la plupart des investissements proviennent d’institutions financières de développement et de banques, par le biais de grosses transactions (qui excluent donc souvent les MPME) et de l’aide à l’incubation avec des investissements en capitaux. Seuls quelques investisseurs à impact financent des entreprises déjà établies.
  • L’élaboration de politiques sur l’entreprise inclusive gagne du terrain. Certains pays possèdent déjà de solides politiques sur la RSE (Indonésie, Laos, Malaisie et Thaïlande) et sur l’entreprise sociale (Brunei, Thaïlande et Singapour) qui pourront être développées/élargies à la promotion de l’entreprise inclusive. Les mesures prises par le gouvernement des Philippines sont les plus avancées dans la région: l’entreprise inclusive figure dans le Plan de développement 2017-2022 des Philippines, et des incitations fiscales pour les entreprises inclusives ont été intégrées au Plan des priorités d’investissement 2017-2019 du ministère du Commerce et de l’Industrie. Un programme d’agrément des entreprises inclusives a également été lancé par le Comité des investissements. Il s’efforce de trouver des entreprises éligibles dans deux secteurs pilote : l’agriculture et le tourisme.

La déclaration d’appui à l’entreprise inclusive de l’ANASE n’est qu’une première étape pour inciter le secteur privé à s’impliquer dans une « ANASE plus résiliente, inclusive, axée et centrée sur l’individu ». Il revient maintenant aux États membres de l’ANASE d’amplifier le mouvement et de concrétiser le développement et l’appui aux entreprises inclusives dans leurs pays respectifs. Le rapport pointe du doigt un certain nombre d’obstacles pour atteindre le marché BoP (coûts élevés de la distribution au dernier kilomètre, méconnaissance des comportements d’achat et des conditions de vie, importance du secteur informel, risque d’investissement perçu, réglementation fiscale spécifique affectant l’accessibilité physique et financière). Pour permettre aux entreprises inclusives de se développer et de prospérer dans l’ANASE, il faut donc renforcer les investissements dans ces entreprises et les compléter par un appui stratégique à long terme associant : assistance technique au développement de la chaîne de valeur des entreprises inclusives, nouveaux programmes de financement, et dialogue et partage d’informations en continu entre les secteurs.