OBRI Tanzania
OBRI Tanzania travaille avec des petites exploitantes pour produire de l’huile de tournesol destinée à la cuisson. Elle aide ainsi des femmes à améliorer leurs revenus tout en fournissant aux consommateur·rice·s à faible revenu une alternative abordable à la réutilisation de l’huile de cuisson.
Pour commencer, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Brigitha : je m’appelle Brigitha Faustin. Je suis PDG d’OBRI Tanzania, que j’ai fondée en 2015.
Innocent : je m’appelle Innocent Ndodyabike et je suis directeur financier d’OBRI. J’ai rejoint l’entreprise en raison de son impact. Ma propre mère est une petite exploitante, je comprends donc parfaitement ce que fait Brigitha.
Pouvez-vous également présenter OBRI Tanzania ?
Brigitha : OBRI est une entreprise agroalimentaire basée en Tanzanie. Nous achetons des graines de tournesol à des petites exploitantes et nous les transformons en huile de cuisson. Pour assurer les formations et fournir les intrants, nous travaillons avec différentes organisations partenaires.
Comment votre modèle d’affaires intègre-t-il les communautés à faible revenu ?
Brigitha : ces communautés sont notre marché cible. Pour nous, chaque Tanzanien·ne, quel que soit son revenu, sa région ou son genre, doit pouvoir avoir accès à de l’huile de cuisson abordable et saine.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la valeur spéciale que vous créez pour les consommateur·rice·s à faible revenu ?
Brigitha : notre huile de cuisson est accessible et abordable. Nous la vendons aux boutiques locales, aux grossistes et aux vendeurs de rue environ deux fois moins cher que l’huile de nos concurrents. Au total, nous avons touché 5,7 millions de consommateur·rice·s depuis 2015. Sans OBRI, il·elle·s continueraient à réutiliser l’huile de cuisson car il·elle·s ne pourraient pas se permettre de la remplacer. Or, cette pratique entraîne de graves problèmes de santé.
Quel impact avez-vous pour les agricultrices auprès desquelles vous vous approvisionnez ?
Brigitha : nous travaillons avec 1 872 petites exploitantes qui produisent l’intégralité de nos matières premières. Elles gagnent 1 400 shillings tanzaniens par kilogramme de graines de tournesol, soit sept fois plus que quand elles passent par des intermédiaires. Les formations et les intrants que nous leur fournissons par l’intermédiaire de nos partenaires les aident également à améliorer leur productivité. Elles peuvent maintenant produire jusqu’à 450 kg de graines de tournesol par acre, soit trois fois plus qu’auparavant.
Pourquoi ne travaillez-vous qu’avec des agricultrices ?
Brigitha : ces femmes sont confrontées à des difficultés supplémentaires. Les normes sociales les empêchent d’accéder à des ressources telles que des terres, ce qui signifie qu’elles n’ont pas accès à des institutions financières pour pouvoir investir dans leur activité. Il est important pour moi de les aider.
Comment mesurez-vous l’impact d’OBRI ?
Innocent : nous réalisons des interviews au moment de la récolte et en dehors. Cela nous permet de mesurer la hausse des revenus et de la productivité des agricultrices. Nous collectons également des données sur la protection de l’environnement.
Qu’est-ce qui rend votre modèle d’affaires financièrement viable ?
Brigitha : notre modèle d’affaires est assez différent de celui d’autres entreprises tanzaniennes. Ces dernières importent de l’huile brute, la raffinent, puis la mettent sur le marché. Pour obtenir une bonne marge, elles doivent vendre le produit à un prix élevé. Il est moins onéreux de s’approvisionner localement. Nous coopérons également avec des partenaires pour faire en sorte que les agricultrices aient accès à des semences et à des formations.
Quelle est la taille du marché que vous desservez ?
Innocent : la Tanzanie compte 58 millions d’habitants. Dans 15 ans, ils seront 90 millions. Tous sont des consommateur·rice·s potentiel·le·s de notre produit. Cela rend la dynamique de marché favorable aux nouveaux entrants.
Brigitha : le pays dépense plus de 150 millions de dollars par an pour importer 300 000 tonnes d’huile de cuisson. Cette quantité représente environ la moitié de l’huile utilisée dans le pays. OBRI peut faire baisser la facture des importations.
Pouvez-vous nous fournir quelques chiffres sur la rentabilité financière d’OBRI ?
Innocent : nous avons atteint le point d’équilibre en 2017 et nous sommes maintenant rentables. L’année dernière, notre chiffre d’affaires a atteint 701 000 USD malgré la pandémie. Cette année, il s’élèvera à plus de 1,1 million d’USD. Notre marge brute est d’environ 50 % et notre marge d’exploitation de 30 %.
Brigitha : mon objectif est d’aboutir à une situation gagnante pour tous : nous-mêmes, nos agricultrices et nos consommateur·rice·s qui ont accès à une huile de cuisson abordable. Il ne s’agit pas de faire des bénéfices, mais de gagner suffisamment d’argent pour pouvoir réinvestir dans notre entreprise et nous assurer qu’elle mène à bien sa mission.
Quelle aide extérieure recevez-vous ?
Brigitha : nous avons un investisseur privé acquis à notre cause, Africa Aid Company. Nous sommes aussi membres de plusieurs communautés d’entrepreneurs qui nous apportent une assistance technique. Nous avons également remporté des prix régionaux qui sont associés à de petits investissements, notamment le Prix de l’innovation du PNUD.
Combien de personnes supplémentaires pensez-vous pouvoir toucher ?
Brigitha : nous espérons toucher plus de 39 millions de consommateur·rice·s en Tanzanie dans les années à venir.
Innocent : côté approvisionnement, nous avons commencé avec à peine 400 agricultrices en 2015/2016, un chiffre qui a plus que quadruplé. Nous étudions maintenant la possibilité d’exploiter le réseau de la Fondation Aga Khan pour atteindre 6 000 à 7 000 agricultrices au cours des trois prochaines années. La famille tanzanienne moyenne est composée de six à sept membres. Cela signifie que nous toucherons environ 42 000 personnes.
Brigitha : nous voulions inclure encore plus d’agricultrices dans notre réseau l’année dernière, mais nous avons été confrontés à une pénurie d’intrants. Nos agricultrices s’appuient sur des variétés de semences locales pour cultiver le tournesol. Les entreprises tanzaniennes n’en ont tout simplement pas produit suffisamment pour répondre à la demande. Sans compter que nos partenaires ont dû réduire leurs dépenses d’intrants en raison de la pandémie.
De quoi avez-vous besoin pour vous développer ?
Innocent : nous avons besoin de fonds pour financer durablement notre fonds de roulement, proposer davantage de services de vulgarisation et investir dans le marketing, la logistique et les machines. Il nous faudrait des équipements plus modernes, notamment au niveau des installations de stockage. Entre 1 million et 1,4 million d’USD nous permettraient de bien progresser.
Brigitha : nous sommes également intéressés par des partenariats de recherche et développement. Des entreprises ou des universités pourraient nous aider à développer des semences abordables et de qualité, à les distribuer aux agricultrices et à diffuser des connaissances techniques.
Quelles difficultés OBRI Tanzania et vous-mêmes avez-vous surmontées ?
Brigitha : une des plus grandes difficultés est liée au financement. J’ai lancé OBRI avec mes propres fonds, mais nous avons besoin de financements supplémentaires pour pouvoir développer l’entreprise. Nous avons eu du mal à en obtenir car l’agriculture est souvent considérée comme un secteur à risque. Ce qui me pousse à continuer à essayer est la mission d’OBRI. Il n’a pas non plus été facile d’introduire la nouvelle marque, mais les gens l’ont acceptée quand ils ont vu le prix.
En quoi votre statut de femme a-t-il affecté votre parcours d’entrepreneure ?
Brigitha : le cadre réglementaire de la Tanzanie est très favorable aux créatrices d’entreprise. Mais les normes sociales sont telles que les femmes doivent travailler deux fois plus dur que les hommes si elles veulent combiner entrepreneuriat et vie de famille.
Quelles recommandations pourriez-vous apporter à d’autres entrepreneur·e·s ?
Brigitha : suivez votre passion et soyez conscient de la mission de votre entreprise. Je vis dans une société qui présente de nombreuses difficultés. Si chacun d’entre nous devenait une partie de la solution grâce aux produits ou aux services qu’il propose, alors je pense que la communauté deviendrait meilleure et que l’argent suivrait.
Les récits à impact sont produits par le réseau iBAN (Inclusive Business Action Network). Ils sont créés en étroite collaboration avec les entrepreneur·e·s et les équipes mentionné·e·s. La production de ce récit à impact a été dirigée par Susann Tischendorf (concept),Hong Anh Dao (vidéo), Katharina Münster (texte et infographies), Christopher Malapitan (illustrations) et Alexandra Harris (édition). La musique est libre de droits. Les photographies sont fournies par OBRI Tanzania.
Mise à jour : 07/2021.